Bonaventure Louis Prévost
PORTRAIT DE JEUNE GARÇON AU METROPOLITAN MUSEUM OF ART DE NEW YORK
BONAVENTURE LOUIS PRÉVOST
Paris, 1733-1816
PORTRAIT DE JEUNE GARÇON
1795
Encre grise (à la pointe du pinceau), lavis gris
175 x 140 mm [la composition]
225 x 165 mm [la feuille]
Signé, localisé et daté sous le trait d’encadrement : « Prevost fecit. Canettecourt 1795. ».
Seuls les actes officiels témoignent du véritable prénom de « B. L. Prevost », ainsi que le graveur signait ses planches, à savoir « Bonaventure Louis » et non « Benoît Louis », comme l’ont baptisé Georg Kaspar Nagler et Louis Le Blanc, et la plupart des commentateurs à leur suite. Par ailleurs, l’inventaire après-décès de Prévost date du 30 mars 1816 et les tables de décès et de successions de la ville de Paris indiqueraient qu’il serait décédé le 19 mars 1816 à l’âge de 83 ans, contrairement aux informations de la plupart des dictionnaires biographiques1.
Quelques citations permettent d’esquisser un portrait de Bonaventure Louis Prévost, à la fois graveur, dessinateur, marchand d’estampes et collectionneur. Dans son catalogue de l’œuvre de Charles Nicolas Cochin, dont Prévost fut l’interprète de prédilection, Charles-Antoine Jombert précise « [qu’il] a acquis aussi diverses autres planches qui entrent dans l’œuvre de M. Cochin fils, & qu’il vend ensemble ou séparément, pour la commodité des Amateurs2 ». Cette activité de négoce, dont il est difficile de mesurer l’ampleur, a probablement aidé Prévost à rassembler une belle collection d’estampes. Il s’agit plus particulièrement d’eaux-fortes de peintres, ce dernier étant « persuadé qu’une eau-forte gravée par le maître lui-même, peut être assimilée au dessin où l’artiste a conservé le premier jet de son ardente imagination, et fixé en quelque sorte le vol rapide de sa pensée3 ». Cet ensemble, ainsi que quelques tableaux, plus de deux cents dessins – certains provenant des collections Crozat, Gouvernet, Mariette et Lempereur4 – et des livres sont proposés à la vente en janvier 1810, probablement à l’heure d’organiser sa succession5.
Comme l’indique le titre de la vente, Prévost était aussi dessinateur et non pas uniquement graveur, bien que cette activité semble avoir été prépondérante. Il a notamment gravé le célèbre frontispice de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert d’après Cochin, dont il existe deux versions, l’une achevée en 1772, l’autre complété en 17756 ; ou encore des planches d’après Moreau le Jeune, toujours pour l’Encyclopédie (en particulier pour le chapitre du tome III dédié au « dessein », dont Prévost est aussi l’auteur des commentaires) ou des vignettes, par exemple pour l’Histoire de la maison de Bourbon de Desormeaux, important livre à figures auquel ont aussi participé Boucher, Fragonard, Vincent et Choffard.
Prévost excelle dans la « gravure en petit », la finesse de son burin permettant de transcrire avec précision tous les détails d’une composition malgré la contrainte du petit format. C’est en ces termes qu’il est décrit dans un Almanach dédié aux arts de 1776, où il est aussi signalé comme un « dessinateur correct & élégant7 », un écho au « tact fin et délicat » dont il semble doué8.
En parallèle à ses travaux de gravure, Prévost mène en effet une activité de dessinateur-portraitiste, ce dont témoigne une douzaine de feuilles parvenues jusqu’à nous. Seule exception à la règle, la statue équestre de Louis XV d’après Edmé Bouchardon, à la plume et encre grise, datée 1764, un dessin préparatoire à une planche reproduite dans un ouvrage de Pierre Jean Mariette sur la réalisation de cette même statue, paru en 17689. Si une paire de portraits de profil est exécutée à la pierre noire10, dans l’esprit de Cochin, les autres dessins sont réalisés à la plume et encre grise, parfois repris à la pierre noire. Parmi eux, l’hommage de Prévost à son ami l’éditeur et marchand d’estampes Jacques François Chéreau, gravé à l’aquatinte par Antoine Carrée, mériterait d’être le plus célèbre11 (ill. ci-dessous). Prévost semble parfois n’employer que la pointe du pinceau, comme c’est le cas dans ce portrait de jeune garçon, à rebours de sa pratique en tant que graveur, mais néanmoins avec le même sens aigu des ombres et des lumières. C’est certainement cette sensibilité – que l’on aura pu déceler à la lueur des commentaires précédents – qui a établi sa discrète réputation de portraitiste.
Bonaventure Louis Prévost, Portrait de Jacques François Chéreau, vers 1780, plume et encre grise, lavis gris, 170 x 150 mm, localisation actuelle inconnue. © Droits réservés.
The Metropolitan Museum of Art de New York a acquis ce portrait de Bonaventure Louis Prévost à l’occasion de notre exposition de dessins anciens et du XIXe siècle en mars 2024.
1 Neil Jeffares, « Bonaventure-Louis Prévost », Dictionary of pastellists before 1800, Londres, 2006 [version en ligne : http://www.pastellists.com/articles/prevost.pdf ; mise à jour 30/05/2022]. Cependant l’auteur ne précise ni la localisation ni la cote des pièces d’archives en question. Localisation de l’inventaire après décès : Paris, Archives nationales, minutes et répertoires du notaire Henri Simon Boulard, MC/ET/LXXIII/1251 (MC/RE/LXXIII/22).
2 Charles-Antoine Jombert, Catalogue de l’œuvre de Ch. Nic. Cochin fils, écuyer, chevalier de l’ordre du Roy, censeur royal, garde des desseins du cabinet de sa Majesté, secrétaire & historiographe de l’Académie royale de peinture et de sculpture, Paris, Laurent François Prault, 1770, p. 77.
3 François Léandre Regnault-Delalande, Catalogue raisonné d’estampes anciennes et modernes, de peintre et de graveurs célèbres des écoles d’Italie, de Flandres, de Hollande, d’Allemagne, d’Angleterre et de France, quelques recueils, livres à figures et sur les arts, tableaux et dessins, du cabinet de Mr Prévost, dessinateur et graveur, Paris, François Léandre Regnault-Delalande, 1809 [Lugt 7685], p. i.
4 Ibid., p. iij.
5 Benjamin Peronnet, Burton B. Fredericksen, Répertoire des tableaux vendus en France au XIXe siècle. Volume I, 1801-1810, t. 1, Los Angeles, The J. Paul Getty Trust, 1998, n° 227, p. 68.
6 Christian Michel, Charles-Nicolas Cochin et le livre illustré au XVIIIe siècle. Avec un catalogue raisonné des livres illustrés par Cochin (1735-1790), Genève, Librairie Droz, 1987, n° 126, p. 283-288.
7 Abbé Le Brun, Almanach historique et raisonné des architectes, peintres, sculpteurs, graveurs et cizeleurs : contenant des notions sur les cabinets des curieux du royaume, sur les marchands de tableaux, sur les maîtres à dessiner de Paris, & autres renseignemens utiles relativement au dessin. Dédié aux amateurs des arts, Paris, [s. e.], 1776, p. 177. L’indication de Neil Jeffares (cf. n. 1) au sujet d’un certain « Prevost l’aîné », « [peignant] aussi très-bien le portrait » (p. 138), s’applique selon nous à un autre artiste, également peintre de fleurs, installé non loin de sa femme, peintre de miniature, dans le quartier des portes Saint-Martin et Saint-Denis (p. 116 et 120).
8 Regnault-Delalande, 1809, op. cit., p. ij.
9 Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la Photographie, inv. RES QB-201 (105)-FOL, fol. 37, Hennin 9162 (face p. 161).
10 Collection Jean Masson, sa vente, Paris, galerie Petit, 7 et 8 mai 1923, lots 192 et 193. Le premier est daté 1771.
11 Collection Paul Mathey, sa vente, Paris, Hôtel Drouot, 18 mai 1901, lot 60 (dernière localisation connue).
VINCENZO
GEMITO
PORTRAIT DE JEUNE FILLE
AU MUSÉE D’ORSAY
VINCENZO GEMITO
Naples, 1852-1929
PORTRAIT DE JEUNE FILLE
1917
Pierre noire, graphite, gouache, aquarelle, encre noire, craie blanche
555 x 365 mm
Signé et daté en bas à gauche : « GEMITO./1917 ».
Vincenzo Gemito naît de père et de mère inconnus, il est alors déposé à la Real Casa Santa dell’Annunziata, institution religieuse ayant pour vocation de recueillir les enfants abandonnés. Il est adopté par Giuseppina Baratta et son second mari, Francesco Jadiccio, surnommé Masto (ou Mastro) Ciccio par Gemito, qui devient non seulement son père adoptif mais, des années plus tard, son assistant pour la fonte des bronzes. L’enfance et l’adolescence de Gemito sont marquées par la pauvreté, une vie âpre et difficile. Les portraits de jeunes modèles rencontrés au hasard des rues évoquent son environnement quotidien, il restera toute sa vie attaché à cet univers. À l’âge de treize ans, il rencontre Antonio Mancini, ils s’inscrivent à l’Istituto di Belle Arti, l’un étudiant la peinture, l’autre la sculpture. Très vite, Gemito fait ses preuves et expose à la Societé Promotrice di Belle Arti dès 1870. À Paris, il présente le bronze du Pescatore (« Le Pêcheur napolitain »), il participe à l’Exposition universelle de 1878 ou le succès ne tarde pas à arriver. Dès lors, malgré les drames liés à la perte d’êtres chers et un état psychique instable, Gemito expose régulièrement ses bronzes. Ces derniers connaîtront une grande fortune.
S’il pratique le dessin tout au long de sa carrière, les trente dernières années de sa vie, Gemito entretient une activité graphique plus intense. Il travaille volontiers les pierres plutôt que la plume et l’encre brune, employant des techniques mixtes de façon très libre. Hormis des commandes de personnalités publiques, il réalise beaucoup de portraits de son entourage, de ses nièces en particulier ou des modèles féminins aperçus dans les rues de Naples ou les campagnes environnantes. Le sculpteur prête une grande attention aux volumes et au modelé, soulignés par les ombres et les lumières, accentuant leur présence physique.
Ce portrait de jeune fille, les cheveux ébouriffés et l’air frondeur est comme le pendant au portrait de sa nièce Anita exécuté un an plus tôt, les cheveux sagement relevés par un nœud rayé.
Gemito s’inscrit dans la tradition des portraits véristes de types populaires, l’exaltation d’une beauté crue et sans artifice le place dans la lignée du naturalisme napolitain du XVIIe siècle.
Le Musée d’Orsay a acquis ce Portrait de jeune fille de Vincenzo Gemito lors de notre exposition Dessins napolitains du XVIIe au XIXe siècle en juin 2023.